Les masques étaient tombés en même temps que leurs sourires faux. Qui avaient-ils essayé de convaincre avec cette mascarade ? Comme si James Potter et Dorcas Avery pouvaient être amis. Comme s’ils pouvaient s’entendre. Comme s’il était possible qu’ils aient autre chose que cette relation explosive qui avait toujours été la-leur. « Je maintiens ce que j’ai dit. Tu vaux mieux que Malefoy et ses vantardises, sinon tu ne te poserais même pas la question de savoir lequel de tes rôles est le vrai. » La comparaison lui restait en travers de la gorge. Malefoy ne valait rien, il ne faisait que parler, prêt à retourner sa veste au moment opportun, comme tous les autres lâches de sa famille. Le nom de Malefoy avait perdu tout son prestige depuis la guerre. Et évidemment, Dorcas savait lequel de ses rôles elle avait dû fabriquer de toute pièce. Elle se souvenait de la difficulté qu’elle avait eu à masquer sa haine, prétendant être heureuse d’être nominée préfète avec un sang de bourbe, prétendant être impossible à énerver, simulant la gentillesse à chaque instant. Seule sa haine pour les Potter avait été trop forte. « La Dorcas totalement dévouée à sa famille, n’aurait pas pris la peine de venir me voir à l’infirmerie. Par deux fois. » Dorcas détourna le regard, frappée en plein fouet par ce souvenir insupportable. Il savait, à quoi bon nier que c’était lui qu’elle était venue voir à nouveau ? Il n’était pas idiot, il avait vue ses larmes, en avait tiré des conclusions. « La Dorcas totalement dévouée à sa famille ne changerait pas de façon d’être en fonction des personnes qui se trouvent face à elle. » Quelle famille ? C’était facile pour lui de la juger, lui qui avait toujours tout eu. Il ne pouvait pas comprendre sa douleur, son combat. Il avait grandi au sein d’une grande famille aimante, elle, elle n’avait eu que les insultes et le mépris. Il ne pourrait jamais la comprendre, même s’il essayait vraiment. Et à présent, il essayait de lui démontrer qu’elle n’était pas mauvaise, qu’elle n’était pas une Avery, et Dorcas ne pouvait s’empêcher de se demander pourquoi, pourquoi perdait-il son temps avec elle ? Pourquoi ne la laissait-il pas simplement sombrer ? « La Dorcas totalement dévouée à sa famille, ne m’aurait pas embrassé dans le Poudlard Express. Pourquoi, d’ailleurs ? » Son coeur s’était arrêté. Ou du moins, elle en avait eu l’impression. Elle ferma les yeux, refusant cette réalité, cette question, cette évidence. Elle se retourna, lui tournant le dos sans pour autant réussir à partir à nouveau. S’enfuir, encore et toujours, elle était lasse de tout cela. Alors elle tentait de se cacher, tentait de cacher ses larmes qui menaçaient de lui brûler à nouveau les joues, sans vraiment comprendre pourquoi elle se sentait si vulnérable en sa présence. C’était comme si une tristesse infinie se cachait en elle, profondément enfouie depuis des années. Mais James n’était plus prêt à la laisser s’enfuir. Il avait compris. Il avait compris ce qu’elle-même s’était toujours refusé à comprendre. Il ne la brusqua pas, cependant, lui laissant les quelques secondes nécessaires pour se reprendre, pour réfléchir, pour décider de ce qu’elle pouvait bien lui dire à présent. Finalement, elle rouvrit les yeux et se tourna à nouveau vers lui, les yeux brillants, mais le regard décidé. « Parce que tu es insupportable, Potter, et que tu n’abandonnes jamais. » Et sans réfléchir d’avantage, sans penser aux conséquences, Dorcas enroula une nouvelle fois ses bras autour du cou de James, l’embrassant avec la même passion que dans le train. Elle avait l’impression que son esprit était embrumé et pour une fois, elle était incapable de réfléchir. Il l’avait réduite au silence comme il avait brisé ses défenses.

Dorcas frissonna au contact des mains froides de James sur sa joue rougie par leur baiser. Elle se pressa un peu plus contre lui tandis qu’il lui passait son autre main dans les cheveux. Elle était incapable de réfléchir à ce qu’elle faisait, à cette erreur qu’elle devrait payer un jour ou l’autre. Et s’il fallait en payer le prix, autant faire en sorte que cela en vaille la peine. Leurs lèvres se séparent finalement tandis que James vient appuyer son front contre le sien, pas prêt à la laisser s’échapper si facilement. Tandis qu’il vient placer une de ses mèches de cheveux derrière son oreille, elle baisse lentement ses mains pour venir les appuyer à nouveau contre le torse de James, sentant son coeur s’emballer sous ses doigts. Ils reprennent leur souffle dans une même cadence, jusqu’à ce qu’il vienne briser le silence qui s’était installé. « Tu vois, je savais que c’était ce rôle-là, celui de la vraie Dorcas. » Murmure-t-il alors, un sourire venant éclairer son visage. Dorcas se força à sourire à son tour, mais maintenant que l’euphorie du baiser était terminée, elle cédait doucement à la panique. Elle ne pouvait se laisser prendre par de pareils sentiments pour une histoire qui n’avait aucun avenir. Dans aucun monde elle ne pourrait être avec James. Bientôt, son père sortirait d’Azkaban, et Dorcas ne voulait même pas imaginer le sort qu’il réserverait à James et elle s’il apprenait qu’elle avait osé l’embrasser par deux fois. Et puis, ses sentiments ne changeaient rien à ce qu’elle était. Elle ne pourrait jamais avoir les deux, et étrangement, devenir le nouveau Seigneur des Ténèbres étaient plus atteignable pour elle que d’être avec lui. « Qui te dit que je ne suis pas les deux ? Qui te dit que je ne suis pas un monstre, entiché de la mauvaise personne ? » Elle se força à le repousser légèrement, s’éloignant de quelques centimètres de lui sans pour autant arriver à briser le contact. Elle en était bien incapable. Elle ne voulait pas que cet instant s’arrête, pour rien au monde, mais elle n’avait pas le choix. Elle ne l’avait jamais eu. Tous les sang purs considéraient que c’était une chance d’être né dans cette catégorie de sorciers, au dessus des autres, mais beaucoup le voyait également comme une malédiction, une condamnation à appartenir à ses parents jusqu’au mariage, tout en ayant un devoir éternel envers son nom. Devoir être à la hauteur de son nom, c’était sa malédiction. « Je ne peux pas.. Je ne pourrais jamais.. » Mais la fin de sa phrase se perdit, incapable de sortir tandis que sa voix se brisait. Après avoir connu un instant d’allégresse, elle allait devoir le repousser à nouveau.

Le père de Dorcas avait tué un moldu devant ses enfants car il l’avait regardé avec insistance, se moquant de ses habits de sorciers. Il avait fait exploser une maison de moldus car il trouvait qu’elle gâchait le paysage devant chez eux. Sachant cela, Dorcas ne pouvait qu’imaginer la punition qu’elle recevrait si elle osait seulement montrer de l’affection pour James devant lui. Et pourtant, en cet instant, face au jeune homme, elle était tout bonnement incapable de le repousser réellement, de s’en éloigner. Mais avant qu’elle n’eut le temps d’ajouter quoi que ce soit, il posa un doigt sur ses lèvres, lui intimant le silence. « Tu t’es donné tant de mal pour te faire accepter par le reste du monde magique… Un monstre ne se serait pas donné cette peine, aurait préféré se lamenter sur son sort en parlant de fatalité lorsqu’il en serait venu à tuer des gens. Mais tu as écrit ton propre destin, Dorcas. » Un sourire amusé se dessina sur les lèvres de la préfète, sourire que James prendrait sûrement pour un signe encourageant, un signe qu’elle accepte son argument, sans se douter un instant que ses efforts pour se faire accepter n’ont servi qu’à endormir la méfiance que son nom de famille pouvait provoquer. Se faire aimer, c’était la première étape avant de pouvoir les écraser. Mais bien sûr, Dorcas ne pouvait avouer cela à James qui croyait tant en sa bonté. Il parlait comme si elle avait réellement le choix, comme si personne ne pouvait l’empêcher de devenir une traitre à son sang, comme si elle le désirait. « Tu as une multitude d’élèves qui t’admirent, des élèves qui seront prêts à te rendre service lorsqu’ils seront en âge de travailler et que toi aussi. Les professeurs croient tous en ton avenir et te vouent à un métier brillant. Même tes notes laissent présager une carrière brillante. Pourquoi gâcherais-tu tout ça pour devenir l’héritière de je-ne-sais-quel tordu frustré par sa vie ? Tu t’es démenée tout au long de ta scolarité pour finir dans une cellule à Azkaban ou tuée ? C’est ainsi que tu imagines ton avenir ? » Dorcas baissa les yeux au sol, perdant son sourire en l’entendant parler ainsi du Seigneur des Ténèbres. Son parcours était épatant, et elle avait tenté de suivre ses traces depuis sa première année, et d’après ce que James disait, c’était tout à fait réussi. Tout le monde admirait Dorcas, tout le monde croyait en elle, lui faisait confiance. Préfète en chef comme le Seigneur des Ténèbres avant elle, oui, elle avait fait les choses bien. Malheureusement, devoir cacher sa véritable nature l’avait privé de pouvoir se faire des partisans, mais elle avait encore le temps pour cela, l’importance était de faire oublier son nom de famille, et elle avait merveilleusement bien réussi. « Et puis, personne n’a besoin de le savoir. » Conclua-t-il finalement. Elle releva son regard pour croiser le sien, un léger sourire sur les lèvres. Oui, personne n’avait besoin d’être au courant. Elle s’imagina alors comment l’année pourrait se dérouler. James croirait comme tous les autres qu’elle était la fille bien qu’elle prétendait être, et dès qu’ils seraient seuls.. Dorcas s’imaginait les rendez-vous secrets, les moments volés.. Après tout, pourquoi devrait-elle se priver de tout cela ? Pourquoi vouloir à tout prix lui prouver ce qu’elle était vraiment ? Elle pouvait prétendre avec lui, comme elle le prétendait avec tous les autres. « Tu as raison, ça ne regarde que nous. » Répondit-elle finalement, se rapprochant de lui pour le serrer dans ses bras, fermant à nouveau les yeux, rassurée. Elle voulait essayer cela, voir si elle pourrait être heureuse avec lui, si elle pourrait enfin se reposer sur quelqu’un, voir même lui faire confiance.