C’était en lisant un paragraphe sur l’importance de la concentration dans La magie sans baguette, comment la contrôler ? que Dorcas avait réalisé qu’elle en manquait cruellement. Elle avait depuis longtemps deviné que c’était grâce à une concentration intense qu’elle avait réussi, la veille, à contrôler sa magie avec sa main gauche, mais depuis, elle n’avait pas réussi à renouveler l’expérience, et la frustration et l’inquiétude l’empêchait d’y arriver à nouveau. Elle ignorait si les nombreux événements de la rentrée avaient un lien avec l’annonce de la prophétie, mais elle trouvait cela étrange qu’il se passe autant de chose alors que sa scolarité avait toujours été d’un ennui mortel. Refermant le lourd bouquin qu’elle lisait grâce à la lumière de la Lune pour ne pas réveiller ses camarades de classe, Dorcas retourna jusqu’à son lit et glissa le livre en dessous, près de sa malle. Elle enfila son pyjama, un ensemble masculin vert émeraude, loin des robes que revêtaient les autres sorcières pour dormir, mais elle se sentait mieux ainsi. Elle se glissa ensuite sous ses couvertures encore tièdes bien qu’aucun elfe de maison n’ai pu changer la bouillotte depuis plusieurs heures, et tenta de s’endormir, en vain. Au bout d’une heure, Dorcas repoussa finalement ses couvertures, enfilant ses pantoufles presque par automatisme. Elle ne pouvait pas dormir, elle avait besoin de bouger. La vérité s’imposa à elle aussi sûrement que ses pas la conduisait déjà là-bas. Elle avait besoin de voir James. Bien que tous les élèves de sa maison la considéraient comme une héroïne qui avait sauvé la vie de leur équipe de Quidditch, elle n’avait pas osé remettre les pieds dans l’infirmerie. Dorcas ne se souvenait que trop bien de son agonie, de son corps inanimé sur le sol, et ce souvenir lui donnait l’impression d’étouffer elle-même. Elle ne se souvenait que trop bien de cette impression qu’elle avait déjà ressenti presque deux ans plus tôt. Cette impression insupportable de perdre pied, d’avoir sa vie qui lui échappe. Elle qui aimait avoir le contrôle sur tout, c’était insupportable. Elle aurait voulu ouvrir une fenêtre, mais elle préféra descendre, sortant de la salle commune en silence, ignorant les appels de la Grosse Dame qui lui conseillait de faire demi-tour immédiatement. Dorcas adorait l’ambiance du château la nuit. C’était froid, sombre et silencieux, à l’opposé de ce qu’était le château la journée, mais elle trouvait cela étonnement reposant. Elle ne croisa personne sur son chemin jusqu’au troisième étage, et elle ne s’arrêta qu’une fois devant l’infirmerie. Il devait être une heure du matin, peut-être deux heures, et elle risquait de les réveiller, mais elle avait besoin de le voir respirer, besoin d’être rassurée. Dorcas ouvrit donc doucement la lourde porte et avança lentement vers James, dont le lit se trouvait face à la porte. Une fois à sa hauteur, elle posa une main sur son torse, fermant les yeux, rassurée en sentant son coeur battre sous ses doigts tremblants. Rouvrant ses yeux, Dorcas posa alors son regard sur le visage de James, observant ses traits détendus comme ceux d’un mort. Les larmes envahirent à nouveau ses yeux, et elle les essuya brutalement, détestant cette faiblesse qu’elle avait en elle dès qu’il s’agissait de lui. Avec effroi, elle l’entendit bouger sous sa couette, premiers signes d’un réveil, et automatiquement, elle fit un pas en arrière, faisant craquer le parquet sous ses pantoufles ornées de petits pompons semblables à des queues de lapin. Retenant son souffle, n’osant plus un regard vers lui, elle couru presque vers la porte pour s’enfuir de l’infirmerie.

C’était une mauvaise idée de venir jusqu’à l’infirmerie, surtout sans sa baguette. Dorcas était capable de réaliser de prodigieux sortilèges de dissimulation, mais une nouvelle fois, elle se rendait compte d’à quel point elle était dépendante du morceau de bois. Sans se donner la peine de refermer la lourde porte derrière elle, Dorcas entrepris de rejoindre sa salle commune d’un pas rapide, priant intérieurement pour qu’il ne sorte pas de l’infirmerie, pour qu’il soit toujours endormi. C’était pourtant vain d’espérer que James Potter resterait en dehors des problèmes, rien qu’une fois dans sa vie. « Eh ! Qui va là ? » Son sang se glaça tandis qu’elle accélérait un peu plus la cadence, bien que consciente que cela ne ferait que retarder la confrontation devenue inévitable. A présent qu’il était sur ses traces, il ne ferait jamais simplement demi tour pour retourner se coucher auprès de ses compagnons d’infortunes. Son coeur s’emballait à la pensée de la proximité du capitaine de l’équipe de Quidditch, et malgré elle, Dorcas avait envie qu’il la rattrape enfin, pour pouvoir passer rien qu’un court instant en sa présence. Merlin sait pourtant qu’elle détestait penser à lui ainsi, qu’elle le haïssait, lui, le fils parfait du célèbre Harry Potter, qui marchait dans Poudlard d’un pas de conquérant dès la première année, sûr de lui, de son avenir. Elle entendait ses pas s’accéléraient, encore et encore, elle le sentait de plus en plus proche d’elle, jusqu’à finalement sentir sa main emprisonner son poignet entre ses doigts, la forçant à arrêter sa course pour se retourner et lui faire face. Un instant, elle croise son regard étonné, cherchant à comprendre ce qu’elle pouvait bien faire là à une telle heure, quelle que soit l’heure qu’il était. « Dorcas ? Mais qu'est-ce que tu fais là ? » Demanda-t-il finalement, tout en lâchant le poignet de la préfète. Elle baissa instinctivement les yeux jusqu’aux mains de James, et remarqua qu’il tenait fermement sa baguette magique, prêt à l’attaque. Pendant une seconde, elle craint que Hélios n’ait été trop bavard, mais elle se résonna rapidement, il devait simplement craindre une attaque nocturne après ce qu’il était arrivé à son équipe deux jours plus tôt. Se forçant à sourire légèrement malgré les traces de larmes qu’elle sentait encore lui brûler les joues, elle leva aussitôt les mains tout en le regardant droit dans les yeux. « Je n’allais attaquer personne, regarde, pas de baguette. Je sais, c’est un peu idiot, mais tu peux ranger la tienne. » Dit-elle, se moquant doucement de lui pour cacher sa gêne de se trouver ainsi prise en flagrant délit d’errerie dans les couloirs du château en pleine nuit. Dorcas laissa ensuite retomber ses mains, cherchant une réponse convenable à la question de James. « Et je passais juste dans le coin, Potter, j’étais sortie pour un truc de préfet, je cherchais Luke, il devait m’aider à faire un truc mais il a dû oublier, alors je suis passée voir comment se portait l’équipe, je suis la plus grande supportrice de l’équipe, comme dirait Adonis. Et comme tout le monde dormait, je suis repartie pour faire de même. » Dorcas parlait trop, comme toujours, et il était peu crédible qu’elle ait pu sortir s’occuper de ‘truc’ de préfet en pyjamas, avec ses ridicules petits pompons qui trônaient fièrement sur ses pantoufles. Peut-être aurait-elle dû laisser tomber son masque de préfète parfaite pour l’insulter, comme d’habitude, mais elle n’en avait plus la force.

C’était une situation inouïe pour la jeune préfète en chef que de parler normalement à James Potter, comme si la haine qu’ils se vouaient l’un à l’autre avait soudain disparue, mise de côté. Cette vieille rancoeur, naît bien avant eux, Dorcas ne pouvait cependant pas la nier. Elle n’avait et n’aurait jamais le moindre avenir avec James, alors pourquoi essayer ? Il était son ennemi, depuis toujours. Elle avait grandi en méprisant sa famille, tout ce qu’il était, et elle aurait sans doute pris la précaution de ne jamais lui adresser la parole si sa peur de l’eau ne l’avait pas piégée au moment précis où elle se trouvait près de lui. Cette foutue peur de l’eau. Si seulement il avait hérité des stupides cheveux roux de sa mère, comme sa petite soeur, elle l’aurait tout de suite trouvé plus repoussant. « Oh, c’est un nouvel uniforme de patrouille ? » Dorcas se força à sourire, tentant de chasser sa détresse intérieure. Elle ne savait plus si elle voulait garder son masque, ce masque qu’elle avait adopté si longtemps qu’il en avait même berné le choixpeau magique. Il était tellement plus simple de lui cracher sa haine au visage, c’était si libérateur. Si seulement le blesser n’était pas encore plus douloureux que de garder ses ressentiments pour elle. Il tenta alors de lui envoyer un coup dans le bras, qu’elle esquiva avec adresse, et son sourire disparaît tandis qu’il observe Dorcas avec plus d’attention qu’avant, regardant au delà de son faux sourire pour percevoir sa tristesse. « Tu sais, si tu en as vraiment besoin, on peut réveiller Adonis. Je suis sûr qu’il ne t’en voudrait pas. Et puis, ça doit être dur pour vous de ne pas pouvoir vous voir ce week-end alors que vous… » Mais James laissa son étrange phrase en suspend tandis que Dorcas fronçait légèrement les sourcils, perplexe devant le raisonnement du garçon. Pourquoi diable voudrait-elle qu’il réveille Adonis ? Et d’ailleurs, elle ne doutait pas que Adonis ne manquerait pas de lui envoyer son oreiller à la figure si elle allait le réveiller à cette heure. Elle n’avait aucune raison de souffrir d’être séparée d’Adonis. Dorcas compris rapidement le sous-entendu de James, mais elle se demandait où il avait bien pu aller chercher cela. Bien sûr, Adonis était beau garçon, gentil et attachant, et sa famille avait une grande influence, mais.. Il n’était pas James. « Il t’a dit que l’on était ensemble ? Parce que c’est totalement faux. Bien sûr, c’est l’un des meilleurs éléments de Gryffondor, mais il n’est pas.. Enfin, il n’y a rien entre nous. Non pas que ça te regarde après tout, je ne vois pas pourquoi ça t’intéresse, Potter, tu devrais apprendre à te mêler de tes affaires, ça t'éviterait bien des ennuis. » Lui avait-elle répondu, devenant de plus en plus froide au fur et à mesure de sa démenti. Elle ne doutait pas que James répéterait chaque mot à Adonis, et elle ne voulait fermer aucune porte avec le moindre sang pur. Après tout, elle serait mariée à l’un d’eux peu après sa sortie de Poudlard, surtout avec son père qui allait bientôt sortir d’Azkaban, mais tant qu’elle était encore libre, elle refusait de s’enchaîner volontairement à qui que ce soit. « Tu devrais retourner te coucher, j’ai entendu que vous n’aviez pas le droit de vous lever, ça serait dommage que Gryffondor perde son capitaine parce qu’il aime se promener la nuit. » Dit-elle en reculant lentement pour s’éloigner de lui, cherchant n’importe quel moyen de s’échapper de son emprise sur elle. Elle doutait qu’il comprenne sa menace voilée, seule Hélios la connaissait suffisamment pour comprendre qu’elle le menaçait implicitement de lui régler son compte s’il ne la laissait pas rapidement tranquille.

Dorcas laisse un James perplexe tandis qu’elle recule lentement, mais bien sûr, le Gryffondor ne compte pas lui permettre de lui échapper aussi facilement. Elle a éveillé sa curiosité malgré elle, et à présent, elle se devait d’assurer, et de jouer son rôle jusqu’au bout, même si elle n’avait jamais réussi à tenir ce rôle avec lui, sa rancoeur était bien trop forte pour cela. Tout avait toujours été si simple pour lui, personne ne s’était étonné de le voir finir à Gryffondor, tout le monde s’était attendu à le voir briller au Quidditch et exceller dans les matières nécessaires pour devenir un Auror. Elle, elle avait dû faire le chemin seul. Elle se souvenait des regards, le soir de sa répartition, lorsque son nom avait été prononcé. Le silence, la peur, puis l’effarement de la voir rejoindre les Gryffondor, les Serpentard semblant déjà prêts à l’applaudir, persuadés qu’elle viendrait grossir leurs rangs. Et Dorcas, comme tous les autres, s’était demandé si le choixpeau magique ne débloquait pas complètement. « Eh, Dorcas, pourquoi es-tu venue à l’infirmerie à cette heure-ci, en vrai ? C’est étrange de se réveiller au beau milieu de la nuit simplement pour venir voir comment se porte l’équipe. » Dorcas haussa les épaules, sans savoir vraiment quoi répondre à cela. Evidemment, James n’avait pas cru un seul mot de son excuse à propos de Luke, comme si elle chercherait Luke pour affaire de préfets en étant en pyjamas. Ça ne l’arrangeait pas, mais elle aurait été déçu s’il l’avait bêtement cru. Quitte à ce qu’il soit son ennemi, elle préférait qu’il soit un ennemi de taille, cela ne rendrait sa victoire que meilleure. « D’ailleurs, comment va Hélios ? Il s’est remis de son agression ? » Encore furieuse contre son petit frère, et étonnée de voir James aborder ce sujet, Dorcas parvint cependant à se forcer à sourire à nouveau, ce foutu sourire qu’elle se colle sur la figure depuis si longtemps en toute circonstance. « Suffisamment pour faire du Quidditch et comploter avec ta soeur, apparemment. » Lui répondit-elle avec un nouveau sourire, sous-entendant que les inquiétudes de James étaient déplacées étant donné son passé avec Hélios. Sous entendant qu’elle n’était pas dupe, qu’elle savait qu’il ne s’interrogeait pas réellement sur le bien porté de son petit frère. C’était toute l’histoire de leur relation, à James et elle, tenter de deviner ce que l’autre savait. « Et j’ai des problèmes d’hyper-activité, parfois, c’est plus fort que moi, j’ai besoin de bouger, et je ne voulais pas réveiller tout le monde, alors je suis sortie me promener. » Sans baguette, l’idiotie suprême qu’un sorcier pouvait faire. Enfin, c’était toujours mieux que se retrouver avec sa baguette dans son pantalon comme l’avait fait James. Instinctivement, elle baissa son regard pour finalement apercevoir ses pieds, bleuis par le froid des pierres du sol du château. Les derniers jours de beaux temps avaient disparus, les températures chutaient, et il fallait vraiment être malade pour se promener sans rien aux pieds. « Dis, Potter, pourquoi tu me suis ? Tes pieds sont gelés, ils vont tomber si tu continues. »

Dorcas espérait que l’appel silencieux de ses pieds gelés motiverait James à la laisser tranquille, à faire demi tour pour rejoindre l’infirmerie et éviter des ennuis supplémentaires, mais il ne leur lança pas même un regard, sûrement déjà conscient de ce problème et préférant l’ignorer. « Et toi, Avery, pourquoi tu m’as sauvé alors que tu me détestes ? Tu pousses un peu loin ton rôle, tu risques de t’y perdre si tu continues. » Les battements de son coeur s’accélérèrent, semblant la pousser vers James. Perturbée par leur proximité, par ses paroles, son sourire se fige un instant. Ce n’était définitivement pas raisonnable de descendre à l’infirmerie cette nuit, mais Dorcas était lasse de toujours agir en fonction de ce qui devait être fait au lieu de ce qu’elle voulait faire. Au fond, elle l’avait bien provoqué, cette rencontre. « Après tout, tu aurais bien pu prétendre ne pouvoir déplacer qu’un joueur à la fois et que tu n’as pas eu le temps de me récupérer moi. Tu aurais même pu ne pas te trouver sur le terrain. » Reprit-il, s’appuyant contre le mur. Dorcas ne put s’empêcher de noter qu’il commençait à flancher, qu’il fatiguait. Evidemment, si l’infirmière avait pu se débarrasser plus tôt des joueurs de Quidditch pour libérer son infirmerie qui était devenu un véritable moulin, elle ne s’en serait sûrement pas privée. Si elle ne l’avait pas fait, c’était donc probablement car ils étaient incapables de tenir debout plus que quelques minutes. « J’y étais déjà, et avec ta soeur qui hurlait après toi, ça aurait été du suicide de ne pas te sortir de là en priorité. Et puis, si tu es le capitaine de l’équipe, ça doit être parce que Gryffondor a besoin de toi, et j’agis toujours pour le bien de Gryffondor. » Affirma Dorcas, comme si elle aurait pu réellement considérer le fait de secourir qui que ce soit avant lui. Maladroitement, elle avait avoué avoir fait de lui sa priorité durant le sauvetage, mais elle espérait qu’il ne le remarquerait pas. Ou alors elle espérait qu’il en tirerait les bonnes conclusions. Elle ne savait même plus comme elle voulait voir se terminer cette entrevue, il la troublait trop. Elle pris sa décision sans réfléchir, refusant de penser aux conséquences de ses actes. « Et qui te dis lequel de mes rôles est le vrai ? » Elle avait cessé le faux sourire, cessé de prétendre que tout cela l’amusait, que tout cela était plaisant. Elle en revenait toujours à ce même mystère qui la travaillait depuis le début de sa scolarité. Avait-elle vraiment réussi à berner le choixpeau magique ? Avait-elle ce talent ? Ou était-ce lui qui avait lu en elle plus loin que ce qu’elle acceptait d’admettre ?