Face à son miroir, Teddy observait l’homme d’âge mûr, brun, au crâne parsemé de cheveux noirs se raréfiant mais à la barbe généreusement fournie. De ce qu’il avait vu, l’homme indiqué par Evdokia ressemblait à peu près à cela. Dans l’obscurité, il avait mal vu ses yeux, mais il lui avait semblé bleus, d’un bleu tranchant avec son apparence général. Il était conscient que son déguisement était un peu bancal, mais la prochaine réunion de la cabane hurlante devait se tenir le lendemain, et il n’avait pas de temps à perdre. Qui sait quand se tiendrait la suivante, et puis, il n’aimait pas mettre en danger la demi soeur de son ami, sachant pertinemment qu’il lui ferait payer si la rousse avait la moindre égratignure. Elle s’était pourtant révélée étonnamment douée, écoutant avec attention les conseils de Teddy, loin de la jeune femme provocatrice qu’il avait rencontré dans le bureau du maire. Elle semblait désireuse de faire ses preuves, et Teddy s’était promis de glisser un mot sur elle à son parrain, si sa mission était un succès. Evdokia avait échoué de peu à l’examen final pour être auror, et il trouvait cela dommage qu’elle ait renoncé à ce rêve, ou à avoir la moindre ambition en général. Teddy enleva sa robe de sorcier devenue trop serrée et contempla avec amusement son nouveau ventre rebondi. Il joua quelques secondes avec sa graisse avant de reprendre son sérieux et d’enfiler une nouvelle robe, abimée à plusieurs endroits, beaucoup plus large. Il n’a bien sûr pas l’habitude de porter autant de graisse sur lui, car malgré la quantité de nourriture qu’il engloutit chaque jour, il peut garder la ligne facilement grâce au précieux don de sa mère. Tandis qu’il enfilait un long manteau rapiécé, Teddy entendit la porte d’entrée claquer, un étage plus bas. Souriant malgré lui, il laissa tomber le manteau au sol pour descendre d’un pas rapide dans les escaliers craquant légèrement. Les bruits de Victoire s’affairant en cuisine s’arrêtèrent aussitôt, et Teddy se rappela qu’il lui avait dit au matin même qu’il devait voir Evdokia et qu’il ne rentrerait que bien plus tard. C’était sans compter sur la rouquine imprévisible qui avait décidé de venir trois heures en avance à leur rendez-vous, le surprenant encore au lit. Oubliant son apparence inhabituelle et plutôt repoussante une fois qu’elle n’était plus face à lui à le regarder à travers son miroir, Teddy arriva dans la cuisine, son large sourire toujours sur le visage.

« Et voilà ! » s’exclame Victoire, un sourire aux lèvres, comme si son hippogriffe peut réellement comprendre ce qu’elle lui dit. Admirant un instant la bande convenablement serrée qu’elle a réussi à faire pour protéger la blessure de l’hippogriffe, malgré l’agitation de la créature magique, la jeune femme ne peut s’empêcher de se trouver assez satisfaite d’elle-même. Depuis que l’une de ses bêtes est parvenue à s’enfuir de son box, semant le trouble dans tout le village de Pré-au-Lard, toutes les autres semblent décidées à vouloir tenter leur chance, pour aller faire un petit tour en ville. Et dans leur agitation, bon nombre des hippogriffes se blessent en fonçant sur les parois de leurs box. Mais Victoire ne s’en formalise pas, sachant pertinemment qu’il s’agit de jeunes bêtes et que celles-ci vont rapidement se calmer. Sortant de l’énorme box dédié à l’hippogriffe, elle ne tarde pas à fermer la porte afin d’éviter de le tenter d’essayer à nouveau de s'enfuir. Elle regagne alors les vestiaires où elle s’empresse de se changer, laissant au placard sa robe de travail, pour revêtir un ensemble plus confortable. Il est à peine seize heures lorsqu’elle quitte enfin son travail pour rejoindre la maison, sûrement vide à l’heure qu’il est. Après tout, Teddy lui a bien dit qu’il risquait de rentrer tard aujourd’hui, alors autant s’activer dès à présent pour lui faire une surprise en lui préparant le repas pour le soir. D’un coup de baguette, Victoire fait en sorte que les casseroles viennent sortir de leurs tiroirs et que des couteaux viennent se mettre à éplucher et couper des légumes sur la planche à découper. Puis, d’un nouveau coup de baguette, elle rempli la bouilloire d’eau et la place sur le feu, afin de se préparer un thé, sans doute bien mérité. Mais alors qu’elle est sur le point de se laisser tomber sur une chaise afin de pouvoir profiter d’un moment de répit, elle ne tarde pas à entendre un bruit de grincement, qui lui fait froncer les sourcils. S’arrêtant aussitôt dans son geste, elle récupère sa baguette qu’elle vient de poser sur la table, la serrant fort entre ses phalanges. Elle ne manque pourtant pas de sursauter lorsqu’elle voit entrer un homme assez âgé, le crâne dégarni et doté d’une barbe épaisse, avec un sourire carnassier sur le visage. Sans attendre, elle pointe sa baguette en direction de son torse alors que toutes ses casseroles et couteaux retombent sur le sol avec fracas. « N’approchez pas, je n’hésiterai pas à m’en servir ! » dit-elle d’une voix ferme, qui ne fléchit pas un seul instant, à l’attention de l’homme. Si elle était déjà dotée d’une grande assurance auparavant, le fait de vivre avec un auror n’a fait qu’accentuer son courage et dans ce genre de situation, elle se trouve bien décidée à ne pas flancher. Et encore moins face à un gros dégueulasse au visage de violeur en série. « Dégagez de ma maison. Tout de suite. » insiste-t-elle face à l’expression stupéfaite de l’homme. Comme s’il ne savait pas qu’il n’avait rien à faire là. Victoire lève alors un peu plus sa baguette dans sa direction, afin de le presser de partir.

Apercevant enfin sa jeune compagne, Teddy ne peut s’empêcher de lui sourire largement, témoignage d’à quel point elle lui avait manqué. Ils se voyaient rarement le matin, la jeune femme devant se lever tôt pour aller nourrir les hippogriffes tandis que l’auror était plutôt partisan des grasses matinées. Aussi, ils avaient toute une collection de morceaux de parchemin qu’ils se laissaient l’un à l’autre, en partant pour se communiquer généralement des informations sur l’heure à laquelle ils rentraient, mais parfois, c’était simplement une bonne blague à laquelle Teddy avait pensé, qu’il notait pour que Victoire la voit en rentrant au cas où il l’aurait oublié. Ce matin là, cependant, il avait été pris de court, et n’avait pas pu lui indiquer son changement d’horaire, mais cela n’expliquait pas qu’elle le regardait à présent avec peur tandis que tous les ustensiles en mouvement venaient se fracasser au sol, faisant sursauter Teddy. Sans lui laisser le temps de dire quoi que ce soit, Victoire s’était saisi de sa baguette, le menaçant. « N’approchez pas, je n’hésiterai pas à m’en servir ! » Lui dit-elle alors, sûre d’elle, avec une aisance qui impressionna Teddy. Lui qui l’avait toujours trouvé délicate et fragile, il avait sous estimé le fait qu’elle avait toujours été une jeune femme très confiante en ses propres capacités, n’hésitant pas une seconde à le menacer, bien que la raison de sa soudaine fougue lui échappait encore. Il ne se souvenait pas être parti se coucher fâché. « Dégagez de ma maison. Tout de suite. » Le coeur serré, Teddy la trouvait un peu dur avec lui, il pouvait bien en discuter avant d’en arriver à de tels extrêmes non ? Et puis, c’était son parrain bien plus que l’hippodrome qui payait le loyer. Baissant les yeux au sol, le regard de Teddy fut alors attiré vers sa grosse bedaine, lui rappelant l’apparence qu’il avait revêtu. Quel idiot il faisait, bien sûr. La scène lui apparaissait à présent avec beaucoup plus de sens, et il releva la tête vers Victoire, riant bruyamment de la situation grotesque. Evidemment, il fallait bien que cela arrive un jour. Il s’approcha alors de Victoire, décidé à s’amuser un peu. « Ah oui ? On m’a pourtant dit que c’était la maison du plus bel homme de Pré-au-Lard, vous ne l'auriez pas vu ? » Demanda-t-il avait d’exploser de rire, incapable de garder son faux sérieux plus longtemps. Décidément, être un métamorphomage était ce qu’il aimait le plus dans sa vie. Ça, et Victoire. D’ailleurs, si la jeune femme n’avait pas compris ce qu’il se passait, il ne doutait pas qu’elle reconnaitrait sans doute sa voix, qui ne changeait pas avec les métamorphoses.

C’est avec un regard résolu, que Victoire continue de pointer sa baguette sur l’homme face à elle. Après tout, ce n’est pas parce qu’elle est une femme qu’elle est incapable de se défendre face à un parasite venu visiter sa maison en plein jour. Même pas assez malin pour éviter de se montrer lorsque les occupants des lieux reviennent chez eux. Lorsqu’elle rentre chez elle. L’homme baisse alors la tête, comme s’il se trouve attristé d’une telle réaction, ce qui n’a pour effet que de faire apparaître une grimace de dégoût sur le visage de la jeune femme. Pourtant, elle ne se trouve pas au bout de ses surprises. Car juste après avoir adopté son expression triste, l’homme ne tarde pas à partir dans un grand éclat de rire, posant un regard confiant sur Victoire. La jeune femme déglutit alors, un peu moins sûre d’elle, bien qu’elle ne baisse pas sa baguette pour autant. L’homme revêt une expression de visage tout de suite un peu plus sérieuse alors qu’il s’approche d’elle, jusqu’à ce que l’épais bout de gras lui tenant lieu de ventre, ne soit plus qu’à quelques centimètres du bout de la baguette. La blonde est d’ailleurs sur le point de lancer un sort, lorsque l’homme prend finalement la parole. « Ah oui ? On m’a pourtant dit que c’était la maison du plus bel homme de Pré-au-Lard, vous ne l'auriez pas vu ? » demande alors l’homme avant d’éclater de nouveau de rire. Victoire fronce alors un peu plus ses sourcils en se rendant compte qu’elle connait bien cette voix. Et pour cause, il s’agit de celle de Teddy. Explosant de rire à son tour, elle rétorque alors à l’homme lui faisant face : « Je pense que vous devez vous tromper, le plus bel homme de Pré-au-Lard n’est pas ici actuellement. » Elle lui glisse alors un regard sournois avec un sourire en coin, tandis qu’elle baisse enfin sa baguette. Après tout, ce serai mentor que de dire que Teddy se trouve sexy avec l’apparence qu’il revêt désormais. Bien au contraire, Victoire ne l’a jamais vu revêtir une apparence si peu avantageuse et repoussante. Un peu malgré elle, elle se détourne alors de son amant – quand bien même il lui coûte beaucoup d’appeler l’homme face à elle comme étant son amant, tant son apparence est repoussante – pour se soustraire à cette apparence bizarre que revêt Teddy. Elle constate alors le carnage sur le sol, avant de lancer : « Par contre, ici vous pouvez trouver la plus pauvre femme de Pré-au-Lard, qui aurait bien besoin d’un peu d’aide. » dans un soupir. Soulevant de nouveau sa baguette, elle commence alors à entreprendre de nettoyer les dégâts.

Teddy ne peut s’empêcher de rire de plus belle en voyant l’expression de Victoire changer alors qu’elle comprend qui il est et surtout qu’il n’est pas dangereux. Elle se joint à lui, riant à son tour, avant de lui dire entre deux rires : « Je pense que vous devez vous tromper, le plus bel homme de Pré-au-Lard n’est pas ici actuellement. » Amusée, elle baissa finalement sa baguette, arrêtant ainsi de le menacer. Elle se retourne alors pour faire face aux dégâts qu’elle a fait dans la cuisine sous le coup de la peur. C’est un beau bordel qui s’étant là sous leurs yeux, et Teddy ne peut s’empêcher de se sentir légèrement coupable pour tout cela. Mais bien sûr, ce sont des sorciers, ils régleront ce problème en quelques coups de baguette, facile, même si Teddy n’avait jamais été un maître des sortilèges ménagés. Sa grand-mère avait bien sûr essayé de lui apprendre quelques trucs, et Molly Weasley, qu’il voyait comme sa deuxième grand-mère, était une pro de ce genre de sortilèges, mais lui n’avait jamais vraiment brillé à cela. « Par contre, ici vous pouvez trouver la plus pauvre femme de Pré-au-Lard, qui aurait bien besoin d’un peu d’aide. » Ajouta-t-elle en tentant d’arranger les choses. Teddy reprit son apparence habituelle en une seconde, et il trouvait cela dommage que sa magie ne soit pas aussi efficace avec ces foutues casseroles. Mais ignorant le carnage, il se rapproche d’elle, collant son torse contre le dos de la jeune femme, il vient alors lui murmurer à l’oreille d’un ton taquin : « Vous ne connaissez pas la beauté intérieure ? » avant de l’embrasser sur la joue et s’éloigner de quelques centimètres pour avoir une vue d’ensemble de ce qu’elle avait maladroitement fait. Rien de très grave en soi, finalement, qui se souciait d’un peu d’eau au sol, entre autres aliments divers qui gisaient à présent sur le sol. « Tu es trop maladroite, Vicky. » Dit-il finalement en riant à nouveau, reprenant sa façon habituelle de s’adresser à la jeune femme. Il agita sa baguette d’un air sûr de lui, faisant léviter casseroles et couteaux. Mais alors qu’ils arrivaient à hauteur du plan de travail, le tout retomba bruyamment sur le sol, faisant gicler dans les airs les aliments déjà tristement amochés. « Tu sais quoi ? On pourra toujours aller manger aux Trois Balais. D’ailleurs je dois demander à Doki si elle se souvient de la couleur des yeux de ce sale type. » Proposa finalement Teddy, conscient qu’il n’arriverait jamais à faire quoi que ce soit de bien dans une cuisine. Il ne savait plus s’il avait parlé à Victoire de la réunion de la cabane hurlante qui devait se tenir le lendemain, mais après tout, il n’avait aucun secret pour elle.

La jeune femme ne peut s’empêcher de se retourner, désireuse de ne pas garder en mémoire l’apparence actuelle de Teddy. Après tout, personne n’aurait envie d’être en couple avec un homme ayant une tête de violeur en série, et elle ne fait pas exception à la règle. Elle déglutit en observant le carnage. Bien sûr, il sera aisé de tout nettoyer d’un coup de baguette, mais les aliments ayant touché le sol sont désormais fichus. Victoire ne compte pas servir à Teddy des légumes ayant été presque réduits en bouilli après leur rencontre avec le sol. D’ailleurs, le jeune homme – ou plutôt le vieil homme actuellement – s’approche d’elle et Victoire ne peut réprimer un frisson d’horreur lorsque ce corps lui étant étranger, rentre en contact avec le sien. Pourtant, elle se rend bien vite compte qu’au lieu de l’épais ventre rempli de graisse qui aurait dû la toucher, elle ne sent que le torse musclé de Teddy, qui vient rencontrer son dos. « Vous ne connaissez pas la beauté intérieure ? » lui murmure alors au creux de l’oreille, avant de venir apposer ses lèvres sur les joues de la jeune femme. Aussitôt, Victoire lève les yeux au ciel. Il y a certaines situations où il est difficile de constater la beauté intérieure d’un individu. Lorsqu’un homme au visage de violeur semble s’être introduit par effraction chez elle, par exemple. Surtout que si Teddy a voulu revêtir l’apparence de cet homme, c’est sûrement dans le cadre de cette mission bizarre dont il lui a parlé. Autrement dit, l’homme doit être un gros pourri. « Tu es trop maladroite, Vicky. » lâche finalement Teddy en riant à nouveau alors que Victoire le regarde tenter de mettre de l’ordre dans la cuisine, avec un léger sourire sur les lèvres. Cependant, à peine a-t-il fait léviter tous les objets et aliments tombés au sol, que ceux-ci retombent aussitôt s’étendre sur le carrelage, amochant encore plus le tout qu’auparavant. Teddy revêt alors un air penaud et Victoire brandit de nouveau sa propre baguette pour entreprendre de réparer les dégâts par elle-même. Elle ne comprend pas comment un auror, maitrisant à la perfection tout un tas de sortilèges, peut être si peu adroit avec les sortilèges ménagers que Victoire trouve bien plus aisés à produire. « Tu sais quoi ? On pourra toujours aller manger aux Trois Balais. D’ailleurs je dois demander à Doki si elle se souvient de la couleur des yeux de ce sale type. » La Weasley hausse un sourcil alors qu’elle ne peut s’empêcher de se demander pourquoi Teddy veut aller voir Evdokia alors que la soirée est leur moment à eux. De plus, ils sont supposés avoir passé la journée ensemble déjà. Sauf que Teddy était déjà là lorsque Victoire est arrivée, ce qui signifie bien que les choses ne se sont pas passées comme prévues. « Mais vous n’étiez pas déjà censés vous voir aujourd’hui ? Où est-elle d’ailleurs ? » demande alors Victoire avec un léger sourire, tandis que la dernière casserole vient prendre place dans l’évier, où une brosse vient aussitôt se mettre à l’astiquer. « Tu ne m’as pas dit que tu rentrais plutôt. » lui glisse-t-elle alors sur un ton de léger reproche, alors qu’elle désigne la table de la cuisine d’un simple signe de tête, où aucun parchemin ne trône fièrement. Il n’a pas pris la peine de lui laisser le moindre mot aujourd’hui.

En voyant l’expression sur le visage de Victoire, Teddy ne peut s’empêcher de penser qu’il va avoir des ennuis. Bien sûr, il connait le tempérament légèrement jaloux de la jeune femme, mais il ne comprend pas comment une femme aussi belle qu’elle puisse craindre une femme comme Evdokia. Bien sûr, elle est jolie et douée, mais elle est bien trop vulgaire pour lui. Il n’aurait peut-être aussi pas dû l’appeler par son surnom, mais elle avait passé la journée à lui dire de l’appeler ainsi, et à présent, il était un peu confus. Pourquoi son parrain, qui lui avait presque tout appris, ne lui avait rien dit sur ça ? « Mais vous n’étiez pas déjà censés vous voir aujourd’hui ? Où est-elle d’ailleurs ? » Soulagé par le sourire de sa compagne, Teddy la regarde avec fascination tandis qu’elle entreprend de nettoyer son carnage, avec beaucoup plus de succès que lui, il doit bien l’avouer. Lui-même sourit face aux questions de Victoire. Elle demandait où Evdokia était, comme s’il l’avait caché sous son lit avant de descendre. « Tu ne m’as pas dit que tu rentrais plutôt. » Lui reprocha-t-elle, et il comprit alors qu’il avait cru trop vite être tiré d’affaire. Il suivit inutilement son regard vers la table de la cuisine, définitivement trop vide pour la jeune femme. Bien sûr, dans la précipitation, il avait oublié. Ses joues rougirent en même temps que les racines de ses cheveux, mais il s’empressa d’effacer ces traces de culpabilité en espérant que Victoire n’aurait pas le temps de les apercevoir. Après tout, il n’avait rien fait de mal. « Désolé, j’ai oublié. Doki, enfin, Evdokia, est venue plus tôt que prévu. J’étais encore au lit alors je suis parti dans la précipitation, et j’ai oublié de te laisser un mot. » Expliqua-t-il, fuyant le regard sévère de la jeune femme. C’était idiot d’être parti sans laisser le moindre mot, comme il était idiot de descendre en oubliant de changer d’apparence. C’était des erreurs qui pourraient lui couter très cher dans son boulot, si un jour on lui confiait des missions plus importantes que d’espionner des clodos prévoyant de diriger le monde. Mais bien sûr, il ne pouvait se plaindre, il avait demandé lui-même à venir à Pré-au-Lard, il savait qu’il ne se passait jamais grand chose au village. « Elle m’a montré ce type en affirmant l’avoir entendu parlé de la cabane hurlante, mais il était dans l’obscurité et je l’ai mal vu. En tout cas, la réunion est demain. » Dit-il finalement, désireux d’éloigner la conversation de la rouquine. Il était pressé d’accomplir cette première vraie mission depuis qu’il était arrivé là, enfin il allait avoir l’impression de faire son boulot, plutôt que de se la couler douce à regarder des hippogriffes courir.

Doki. Vicky. Des surnoms dont les sonorités se ressemblent beaucoup trop aux oreilles de la jeune femme, qui ne peut s’empêcher de se montrer vigilante quant aux fréquentations de Teddy. Après tout, il est adorable et fait souvent preuve d’une naïveté sans égale, et il a l’habitude d’attirer de nombreux regards admiratifs sur son passage. En général, toutes les sorcières rêvent de se promener avec un auror à leurs bras, comme s’il ne s’agissait que d’un accessoire de beauté. Mais en plus, Teddy s’est toujours montré particulièrement attentionné avec tout le monde et il est métamorphage. De quoi attiser toutes les convoitises. Et Victoire a déjà croisé la jeune femme. Elle a beau être la sœur du maire, lui-même étant un ami de Teddy, elle n’en reste pas moins une fille complètement vulgaire. Qui a néanmoins réussi à suffisamment distraire Teddy pour que celui-ci oublie de mettre un bout de parchemin sur la table à son attention, alors qu’il n’avait jamais cessé de le faire depuis qu’il en avait eu l’idée. « Désolé, j’ai oublié. Doki, enfin, Evdokia, est venue plus tôt que prévu. J’étais encore au lit alors je suis parti dans la précipitation, et j’ai oublié de te laisser un mot. » Le sourcil de Victoire se hausse un peu plus, quand bien même elle conserve son sourire, alors que derrière elle, ses casseroles tintent un instant dans l’évier, dans un faux mouvement, avant que la cuisine ne redevienne silencieuse avec simplement le bruit du frottement de la brosse en fond. Elle ne parvient pas à croire que la rousse ait pu venir plus tôt que prévu, exprès pour surprendre Teddy dans l’une de ses grasses matinées. Qu’elle soit venue le tirer du lit. Victoire détourne alors la tête, faisant mine de surveiller ce qui se passe dans l’évier, alors que cela s’avère être parfaitement inutile. Dans la famille Weasley, il est de tradition que les sortilèges ménagers soient parfaitement maitrisés. Et c’était sa grand-mère elle-même qui lui avait appris à les lancer. « Elle m’a montré ce type en affirmant l’avoir entendu parlé de la cabane hurlante, mais il était dans l’obscurité et je l’ai mal vu. En tout cas, la réunion est demain. » complète alors Teddy alors que Victoire hoche doucement la tête, notant que Teddy risque de rentrer un peu plus tard s’il va participer à la réunion nocturne de la cabane hurlante le lendemain. Et aussi qu’il risque de faire la chose la plus dangereuse qu’il ait faite depuis qu’ils se sont établis à Pré-au-Lard. « Et pourquoi tu n’envoies pas l’un des elfes de maison de Silas pour aller voir ? Ce serait peut-être plus discret. Si ce type reste à longueur de journées à l’intérieur des Trois Balais, il va remarquer que tu es venu par deux fois alors qu’il ne te voit jamais en temps normal, et va commencer à se poser des questions. » lui glisse-t-elle en se rapprochant de l’évier, venant s’appuyer de ses deux mains sur le rebord avant de se tourner vers Teddy, son visage se détendant un peu alors qu’elle ajoute : « Et puis comme ça, on pourrait aller passer la soirée à Londres. Il suffirait de transplaner et l’on deviendrait deux amants se voyant en secret dans un recoin du Chaudron Baveur. » Son regard pétille de malice alors qu’elle dit cela. Victoire a toujours été passionnée par les jeux de rôle.

Teddy ne peut s’empêcher de reculer légèrement, s’éloignant quelque peu d’une Victoire semblant s’énerver à l’évocation de Doki. Enfin, Evdokia. En entendant les couteaux crisser contre les casseroles, il ne peut s’empêcher de faire une légère grimace, se demandant s’il pourrait se soigner grâce à ses dons de métamorphomage si un tel couteau s’enfonçait dans les profondeurs de son ventre. C’était une expérience qu’il n’avait jamais tenté, et il n’était pas pressé de faire l’expérience. « Et pourquoi tu n’envoies pas l’un des elfes de maison de Silas pour aller voir ? Ce serait peut-être plus discret. Si ce type reste à longueur de journées à l’intérieur des Trois Balais, il va remarquer que tu es venu par deux fois alors qu’il ne te voit jamais en temps normal, et va commencer à se poser des questions. » Teddy se montre plutôt perplexe face à cette proposition. En effet, il n’est pas devenu auror pour envoyer des elfes de maison faire son boulot tandis qu’il reste tranquillement chez lui à dormir ou à lire son journal. Personne ne pourrait le priver de sa mission, il l’avait attendu avec trop d’impatience. Et puis, que savait-elle de tout cela, après tout ? C’était lui qui avait une formation d’auror, lui qui savait ce qui était dangereux ou non, et envoyer un elfe de maison qu’il connaissait à peine, qu’il n’était pas sûr de pouvoir croire, ça, c’était dangereux. Et puis, la pauvre créature serait bien incapable de réagir si elle était démasquée, alors que lui avait toujours eu des réflexes hors pair. Victoire se retourne finalement vers lui. « Et puis comme ça, on pourrait aller passer la soirée à Londres. Il suffirait de transplaner et l’on deviendrait deux amants se voyant en secret dans un recoin du Chaudron Baveur. » Il ne peut s’empêcher de sourire à son tour en s’imaginant cette soirée qui s’annoncerait parfaite. Mais malgré tout, il ne pouvait se permettre d’abandonner son travail, sa mission, pour sortir avec sa copine, même s’il en mourrait d’envie. « J’adorerai, mais je ne peux pas faire confiance à un elfe de maison, qui saura beaucoup moins facilement se fondre dans la masse que moi. Et puis, c’est mieux que j’entende moi-même ce qui se dira. Et ne t’en fais pas, je ne vais jamais aux Trois Balais en tant que Teddy Lupin, je pique l’apparence de moldus, c’est plus sûr. Mais on peut aller à Londres ce soir, si tu veux, il est encore tôt. » Il lui sourit, désolé. Teddy était un homme d’action, jamais il ne pourrait supporter de ne pas prendre de risque trop longtemps, il avait besoin de cela pour se dire qu’il faisait honneur à ses parents et à son parrain qui lui avait tout donné.

Victoire se retourne alors vers Teddy, lui offrant un sourire alors que son regard se met à pétiller. Et lorsqu’elle le voit lui sourire en retour, elle ne peut s’empêcher de croire que c’est gagné, qu’il va céder et accepter de l’accompagner à Londres et de laisser un peu ses pensées loin de cette Evdokia. C’est pourquoi, lorsqu’il ouvre finalement la bouche pour lui répondre, la Weasley met un certain temps avant de comprendre que son plan ne va pas se passer comme prévu. « J’adorerai, mais je ne peux pas faire confiance à un elfe de maison, qui saura beaucoup moins facilement se fondre dans la masse que moi. Et puis, c’est mieux que j’entende moi-même ce qui se dira. Et ne t’en fais pas, je ne vais jamais aux Trois Balais en tant que Teddy Lupin, je pique l’apparence de moldus, c’est plus sûr. Mais on peut aller à Londres ce soir, si tu veux, il est encore tôt. » dit-il en continuant de lui sourire et Victoire se trouve contrainte de lui sourire en retour. Bien sûr, elle est soulagée qu’il ne prenne pas de risques inutiles, mais il n’empêche qu’elle n’a pas réellement envie de passer le reste de l’après-midi à l’attendre et rien d’autre. Elle ne veut pas qu’ils se mettent à être comme certains de ces vieux couples qui passent leur temps à s’attendre l’un et l’autre et qui s’installent dans une routine. Et si elle a beaucoup de respect et d’amour pour sa grand-mère, elle n’envie en rien l’existence de Molly Weasley, femme au foyer qui reste seule à longueur de journée, à attendre que son mari rentre du travail alors que ses enfants sont à Poudlard. Non, ce genre d’existence n’est certainement pas pour elle. « Très bien, tant mieux si tu fais attention. Mais comment Doki fait pour te reconnaitre dans ce cas ? » demande-t-elle en se tournant de nouveau vers ses couverts et casseroles, les séchant d’un coup de baguette avant de les envoyer se ranger dans les tiroirs de la cuisine. La pièce redevient ainsi comme avant qu’elle n’arrive. Comme s’il ne s’était rien passé. Mais bien sûr, Victoire ne peut s’empêcher de penser à Evdokia. « Et tant pis pour Londres, de toute façon j’ai encore un hippogriffe qui s’est blessé et il faudrait que je retourne faire son pansement ce soir. C’était idiot de penser que l’on pourrait passer une soirée si loin de Pré-au-Lard. » ment-elle finalement en haussant les épaules, comme si Teddy lui avait tout bonnement refusé cette soirée à Londres.