Agacée par l’ignorance inadmissible de Silas, Evdokia avait à son tour ignoré sa suggestion d’aller mettre une tenue plus convenable. Après tout, elle ne doutait pas que Teddy connaissait tout de l’anatomie des femmes, avec son don de métamorphomage, il avait déjà dû largement se rincer l’oeil. Aussi, elle s’était empressée d’installer un doute dans les esprits des deux hommes, parfaitement consciente qu’ils ne pourraient plus refuser son aide avec cela, s’incluant tout naturellement dans leurs projets avec un « nous » discrètement placé dans sa phrase. Teddy admis finalement qu’elle avait raison, et elle tourna un regard victorieux vers Silas, attendant qu’il accepte à son tour, ce qu’il était obligé de faire puisque l’auror responsable de la sécurité de la ville avait confirmé qu’il ne pouvait se passer d’elle, à un mot ou deux près. « Bon, et bien, comme vous voulez. » Evdokia adressa un clin d’oeil complice à Teddy avant de finir d’engloutir son petit pain pour ensuite se rincer la bouche en buvant quelques gorgées du thé de Silas, dont elle reposa ensuite la tasse devant lui. « Mais il faudra qu’Evdokia suive un stage auprès de toi, Teddy. Hors de question qu’elle fasse des choses abracadabrantes sans un minimum de formation – ou re-formation – au préalable. Et au moindre souci, on arrête tout. » Evdokia leva légèrement les yeux au ciel, exaspérée par le manque de confiance de Silas envers ses capacités. Après tout, elle avait bien failli être une véritable auror, elle avait eu toutes les notes pour à Poudlard, et ce n’était pas parce qu’elle avait loupé une malheureuse épreuve à la fin de la formation que cela faisait d’elle une bonne à rien. Elle adressa cependant un sourire charmeur à Teddy. « Quand tu veux, pour mes cours particuliers. Et ne soit pas si inquiet, Silas, pendant mon voyage, j’ai fait bien pire que d’espionner des sorciers à moitié saoulent. Si tu veux tout savoir, j’ai croisé des types beaucoup plus louches que les abrutis qui trainent aux Trois Balais. » Elle n’était pas totalement sûre de le rassurer en disant cela, mais tant pis, c’était dit à présent. Elle regarda sa montre pour finalement trouver une excuse et pouvoir s’éclipser du regard de son frère. « Oh, je dois prendre mon service dans dix minutes, je vous laisse. Ecris-moi. » Avait-elle ajouté à l’attention de Teddy avant de s’enfuir de la pièce, l’entendant à peine se tourner à nouveau vers Silas pour lui dire : « Ne t’en fais pas, elle ne cours aucun risque, comme elle l’a dit, elle a vu pire. » Et Evdokia fut ravie de voir qu’il y en avait au moins un qui ne la traitait pas comme une petite fille qu’il fallait protéger. Evidemment, en tant qu’auror, Teddy savait ce qu’était le véritable danger, et elle se surpris à l’envier d’avoir réussi dans cette difficile profession, se demandant si finalement, elle ne pourrait pas profiter de ses leçons privées pour retenter de réussir à devenir auror. Après tout, avec une recommandation du filleul d’Harry Potter, tout était possible.

En voyant Silas se lever pour faire les cents pas dans son bureau, Teddy ne peut que deviner son inquiétude, se sentant légèrement coupable d’avoir finalement accepté l’aide d’Evdokia alors que Silas semblait s’y opposer. Dans la famille de Teddy, autant sa vraie famille que sa famille adoptive, il avait toujours été normal pour chacun de prendre des risques pour le bien du monde de la magie, mais il avait parfois tendance à oublier que certains sorciers ne pensaient pas comme eux, que certains préféraient se taire en attendant que d’autres meurent pour eux. « Tu penses que ce sera suffisant pour toi ? Une seule personne pour te venir en aide ? » Lui demanda finalement Silas, brisant le silence qui s’était peu à peu installé après le départ de la jeune femme. Teddy y réfléchit quelques instants, mais il était évident que seul ou à deux, il n’y avait pas de grande différence pour lutter contre la criminalité menaçant la sécurité des habitants de Pré-au-Lard. Mais alors que Teddy s’apprêtait à faire part d’une idée qu’il venait d’avoir à Silas, celui-ci reprit la parole, ramenant ses inquiétudes à sa demi-soeur. « Tu ne comptes pas l’envoyer dans la cabane hurlante, quand même ? » L’auror trouvait étrange que le maire s’inquiète autant pour la sécurité d’Evdokia, quand on savait que le village tout entier était probablement menacé, mais il n’en dit rien, il ne savait pas grand chose de l’amour fraternel. Plus jeune, il avait cru voir Victoire comme une soeur, mais de toute évidence, ce n’était pas cela. « Bien sûr que non, il ne leur faudrait pas deux minutes pour la reconnaître, la tuer, et en faire un exemple de ce qui arrivera à ceux qui voudront les espionner. » La jeune femme devait effectivement être plutôt connue dans le village, car tout le monde passait régulièrement aux Trois Balais, et beaucoup devait savoir qu’elle habitait chez le maire. Non, seul Teddy pourrait aller dans la cabane hurlante, si Evdokia parvenait à identifier un réel suspect que Teddy pourrait arrêter avant d’usurper son identité. Un travail d’auror, de métamorphomage, qui n’aurait pas besoin de boire régulièrement un jus immonde pour garder son déguisement. « Mais je pensais.. Tu disais que tu avais trop d’elfes dans le village qui n’avaient pas beaucoup de travail.. Ils sont loyaux à toi, et uniquement à toi ? » Après tout, son parrain avait utilisé des elfes de maison pour espionner des ennemis, détruire Voldemort, et s’enfuir lorsqu’il était capturé, quelques elfes pourraient être ses yeux et ses oreilles, lui permettant d’être partout à la fois sans se faire remarquer.

Silas revint finalement s’asseoir lorsque la conversation au sujet d’Evdokia fut terminée, preuve que c’était bien le cas de la jeune femme qui le mettait dans cet état. Teddy trouvait évidemment cela étrange, mais préféra ne pas en faire la remarque, de peur de froisser son ami. « Certains ont pris l’habitude de disparaitre toute la journée et sont devenus un peu fous en peu de temps. Je ne leur fais pas vraiment confiance. Mais certains ont pris l’habitude de rester ici et d’aider mon elfe de maison personnel dans ses tâches ménagères. Je pense qu’on peut leur faire confiance. » Teddy hocha la tête, réfléchissant à toute vitesse. Cela pourrait suffire. Cela pourrait être ce dont ils avaient besoin. Certes, ceux qui s’amusaient à disparaître ou qui perdaient l’esprit ne leur seraient d’aucune utilité, mais avec les autres, ce qui étaient bon à quelque chose, ceux qui pourraient avoir une loyauté, il pourrait réussir à faire quelque chose. Bien sûr, c’était un pari risqué, les elfes de maison restaient des créatures qu’ils ne pouvaient être sûrs de contrôler entièrement, et jamais ils n’obtiendraient d’eux une loyauté sans faille comme celle venant des elfes qui servaient une famille de génération en génération, mais cela valait le coup d’essayer, et ça serait complètement discret. « C’est peut-être fou mais.. Les elfes de maison ont un don pour se rendre presque invisibles, personne ne fait jamais attention à eux. Les gens parlent devant eux sans prendre garde, mais les elfes écoutent, connaissent les secrets des sorciers. Et ils peuvent se rendre dans des endroits où le transplanage est interdit.. Oui, je pense que ça pourrait être notre solution : utiliser les elfes de maison comme espions. » Teddy espérait que Silas n’était pas un fervent défenseur de la cause des elfes de maison, sinon il lui serait encore très difficile de le convaincre. Si sa tante Hermione apprenait ce projet, il aurait des ennuis avec elle, mais il était persuadé que son idée pouvait fonctionner. Il lui faudrait en parler à son parrain, bien sûr, pour avoir son accord, mais il était sûr qu’il approuverait ce plan, après tout, il en était l’inspiration.

Teddy observe attentivement le maire de Pré-au-Lard afin de voir si son idée peut le convaincre. Lui-même est persuadé que les elfes espions ont de l’avenir, et qu’ils seront beaucoup plus facile à former que des sorciers, et beaucoup plus facile à remplacer en cas de problème. Et puis, un elfe ne parle pas sous la torture, alors qu’un sorcier se laisse plus aisément convaincre. « Je pense déjà savoir lesquels te confier. Tu veux que je les fasse amener tout de suite ? » L’auror ne s’était pas attendu à être confronté aux elfes de maison avant d’avoir parlé de ce plan à son parrain, mais finalement, ce n’était pas une si mauvaise idée. Au contraire, s’il pouvait lui donner un nombre précis d’elfes, et même les lui présenter, il pourrait plus facilement le convaincre de la viabilité de son projet. « Bien sûr, comme tout cela va rester secret, je ne risque pas d’avoir la S.A.L.E. à dos pour exploitation abusive d’elfes de maison ? » Il devait bien admettre qu’il n’avait pas pensé au fait que le danger demandé aux elfes risquerait de mettre en colère leurs défenseurs, mais après tout, si les elfes jouaient bien leur rôle, ils ne risquaient rien. Il n’y avait que s’ils se faisaient prendre qu’ils ne pourraient rien pour eux, mais il pensait les elfes suffisamment intelligents pour réussir à rester aussi discret qu’à l’ordinaire. « Seuls Harry Potter et nous serons au courant, car je dois évidemment prévenir le bureau des aurors pour avoir la validation. Il faudra bien sûr payer les elfes, mais rien de très coûteux, beaucoup moins que le seraient des sorciers. » Il était idiot de devoir payer pour les services de serviteurs qui ne demandaient que cela de travailler, et la plupart refusait catégoriquement ce salaire sale, mais ceux qui désirait être payés devait l’être, ils ne pouvaient faire autrement. « Mais comme nous ne leur demanderons rien de réellement dangereux, il n’y aura pas de problème avec la S.A.L.E. Et j’aimerais beaucoup rencontrer les elfes, si je peux avoir un nombre précis, ça sera plus simple pour mon rapport. » Après tout, plus le projet était précis et plus il paraîtrait réfléchis et acceptable pour le bureau des aurors. Et puis, ils faisaient confiance à Teddy.

Parvenant finalement à rassurer son ami sur les éventuelles dépenses supplémentaires que pourrait subir Pré-au-Lard, Teddy se sent un peu coupable d’avoir à moitié menti. A vrai dire, il n’a aucune idée du réel danger que pourraient courir les elfes qui seront utilisés, et il s’en moque bien. Au pire des cas, ils n’auraient qu’à étouffer l’affaire, car tout le projet serait classé secret défense, et si la S.A.L.E. arrivait par un quelconque miracle à deviner ce qu’il se passait dans Pré-au-Lard, Teddy était sûr qu’il pourrait aisément négocier avec eux, avec le soutien de son parrain, évidemment. Il regarde non sans une certaine appréhension son ami convoquer son petit serviteur, qui apparaît aussitôt, faisant sursauter légèrement Teddy. « J’aurais besoin de toi pour me rendre un service. Il faudrait que tu ailles chercher des elfes de maison de la ville pour moi, tu peux faire cela ? Il faudrait que tu me ramènes… » Trop amusé par l’air de soumission imprimé sur la tête de l’elfe, Teddy ne remarque pas tout de suite que Silas s’est arrêté en plein milieu de sa phrase. Intrigué, il le regarde observer il-ne-sait-quoi à travers la fenêtre, l’air hébété. Teddy se lève aussitôt, cherchant à travers la fenêtre ce qui a bien pu réduire au silence le maire de Pré-au-Lard. Mais il ne voit que la rue, seuls quelques cris apeurés peuvent témoigner d’un événement inhabituel se déroulant dans les rues calmes du village. « Tu as vu ? On aurait dit… un hippogriffe. » L’auror mis quelques secondes à imprimer ce que venait de dire Silas. S’il y avait vraiment un hippogriffe qui se promenait dans les rues, c’était que Victoire l’avait laissé échapper malencontreusement, ce qui voulait dire que la jeune femme devait actuellement être dans un état de panique plutôt avancé, et il devait absolument aller lui prêter main forte au plus vite. Enfin, pour le bien de la sécurité de la ville, en tant qu’auror, bien sûr. « Je.. je crois qu’il vaut mieux que je m’en aille.. Je t’envoie un hibou quand tout sera.. réglé ! » Lui avait dit Teddy tout en commençant à courir vers la porte du bureau, gagnant rapidement la sortie du manoir du maire.